La Révocation d’un Maître de Conférences pour Plagiat Aggravé : Analyse Juridique et Procédurale

La communauté universitaire repose sur des principes fondamentaux d’intégrité scientifique et d’éthique de la recherche. Lorsqu’un maître de conférences commet un plagiat aggravé, c’est tout l’édifice académique qui s’en trouve ébranlé. Cette faute professionnelle grave peut conduire à la sanction ultime : la révocation. Ce processus disciplinaire complexe mobilise un arsenal juridique spécifique et met en jeu l’équilibre entre la protection de l’institution universitaire et les droits de la défense. Notre analyse approfondie examine les fondements juridiques, la procédure disciplinaire, la caractérisation du plagiat aggravé, les voies de recours et les conséquences professionnelles d’une telle mesure.

Fondements juridiques de la révocation dans l’enseignement supérieur

Le statut des enseignants-chercheurs est régi par le décret n°84-431 du 6 juin 1984 qui fixe les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs. Ce texte fondateur établit non seulement leurs droits mais définit les obligations auxquelles ils sont tenus. L’article 2 précise que les enseignants-chercheurs doivent respecter « les principes de tolérance et d’objectivité ». Cette exigence d’objectivité scientifique constitue le socle sur lequel repose l’interdiction du plagiat.

La révocation figure parmi les sanctions disciplinaires les plus sévères du régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires. Elle est expressément prévue à l’article 66 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Cette sanction du quatrième groupe entraîne la cessation définitive des fonctions sans conservation des droits à pension.

Le cadre normatif s’est considérablement renforcé avec la loi n°2016-1828 du 23 décembre 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Cette loi a introduit dans le statut général des fonctionnaires des obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité qui s’appliquent pleinement aux enseignants-chercheurs.

En matière de propriété intellectuelle, le Code de la propriété intellectuelle, notamment en ses articles L.122-4 et suivants, prohibe toute reproduction d’une œuvre sans consentement de son auteur. Les maîtres de conférences, producteurs de savoirs, sont particulièrement concernés par ces dispositions qu’ils doivent respecter et faire respecter.

La jurisprudence administrative a progressivement précisé les contours de la faute disciplinaire dans le milieu universitaire. L’arrêt du Conseil d’État du 21 décembre 2018 (n°419544) a notamment confirmé que le plagiat constitue un manquement grave aux obligations déontologiques d’un enseignant-chercheur, justifiant potentiellement une sanction disciplinaire sévère. Cette jurisprudence constante rappelle que la probité scientifique est consubstantielle à la fonction.

Au niveau institutionnel, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) a élaboré une Charte de déontologie qui souligne l’importance de l’intégrité scientifique. De même, la Conférence des Présidents d’Université (CPU) a adopté en 2015 une Charte nationale de déontologie des métiers de la recherche qui condamne explicitement le plagiat.

Ces différentes strates normatives constituent un maillage juridique serré qui encadre l’activité des enseignants-chercheurs et justifie, en cas de manquement caractérisé comme le plagiat aggravé, le recours à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation.

Les textes spécifiques relatifs à l’intégrité scientifique

L’arsenal juridique s’est enrichi avec la circulaire du 15 mars 2017 relative à la politique d’intégrité scientifique au sein des établissements d’enseignement supérieur et de leurs regroupements. Ce texte incite les établissements à se doter de dispositifs de prévention, de détection et de traitement des manquements à l’intégrité scientifique, dont le plagiat constitue une forme particulièrement répréhensible.

Le Code de l’éducation, en son article L.952-8, prévoit que « les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent […] les principes de tolérance et d’objectivité ». Cette liberté académique s’accompagne donc d’une responsabilité éthique fondamentale.

Procédure disciplinaire applicable aux maîtres de conférences

La procédure disciplinaire applicable aux maîtres de conférences présente des particularités qui la distinguent du régime disciplinaire commun des fonctionnaires. Cette spécificité s’explique par le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°83-165 DC du 20 janvier 1984.

L’initiative de la procédure revient au Président d’université ou au Ministre chargé de l’enseignement supérieur qui, après avoir eu connaissance de faits susceptibles de justifier une sanction disciplinaire, saisit la section disciplinaire du conseil académique de l’établissement. Cette saisine s’effectue par un écrit motivé accompagné de toutes pièces justificatives.

Dès la saisine, le président de la section disciplinaire informe l’intéressé par lettre recommandée des poursuites engagées à son encontre. Il désigne un rapporteur parmi les membres de la section disciplinaire. Ce dernier instruit l’affaire en procédant à toutes les diligences utiles, y compris l’audition du maître de conférences poursuivi et de témoins éventuels.

La procédure est contradictoire : le maître de conférences mis en cause a accès à l’intégralité de son dossier et peut se faire assister d’un défenseur de son choix. Cette garantie procédurale est fondamentale et sa méconnaissance entache d’irrégularité la procédure.

Au terme de l’instruction, la formation de jugement de la section disciplinaire se réunit pour examiner l’affaire. Cette formation est composée exclusivement d’enseignants-chercheurs d’un rang au moins égal à celui de la personne déférée. Elle entend le rapporteur qui présente son rapport, puis le maître de conférences poursuivi qui présente sa défense.

  • La décision disciplinaire doit être motivée
  • Elle doit préciser les faits retenus
  • Elle doit mentionner les textes sur lesquels elle se fonde
  • Elle doit indiquer les voies et délais de recours

En cas de plagiat aggravé, la section disciplinaire peut prononcer différentes sanctions, dont la plus grave est la révocation. Cette sanction du quatrième groupe ne peut être prononcée qu’après avis de la Commission Administrative Paritaire (CAP) siégeant en formation disciplinaire.

La décision de la section disciplinaire est notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec avis de réception. Elle est transmise au Ministre chargé de l’enseignement supérieur et au Président d’université.

Une spécificité notable de cette procédure réside dans le fait que les sanctions prononcées par les sections disciplinaires peuvent faire l’objet d’un appel devant le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) siégeant en formation disciplinaire. Cet appel, qui peut être formé par l’intéressé ou le Président d’université ou le Recteur d’académie, a un effet suspensif, sauf décision contraire expressément mentionnée dans la décision de première instance.

Les garanties procédurales spécifiques

Le respect des droits de la défense constitue une garantie fondamentale de la procédure disciplinaire. Le maître de conférences poursuivi doit disposer d’un délai suffisant pour préparer sa défense entre la notification des poursuites et la date de comparution devant la formation de jugement. Ce délai ne peut être inférieur à trente jours.

Le principe du contradictoire implique que l’enseignant-chercheur mis en cause puisse présenter des observations écrites et orales, faire entendre des témoins et se faire assister d’un conseil de son choix. Ces garanties sont d’autant plus cruciales que la sanction envisagée est grave.

Caractérisation juridique du plagiat aggravé dans le milieu universitaire

Le plagiat dans le milieu universitaire ne fait pas l’objet d’une définition légale précise. Néanmoins, il peut être défini comme l’appropriation frauduleuse de la création intellectuelle d’autrui. Sa caractérisation juridique s’opère à l’intersection du droit de la propriété intellectuelle, du droit disciplinaire et de la déontologie universitaire.

Pour être qualifié d’aggravé, le plagiat doit présenter certaines caractéristiques qui en accentuent la gravité. La jurisprudence disciplinaire du CNESER et du Conseil d’État a progressivement dégagé plusieurs critères d’appréciation :

  • L’ampleur des emprunts non référencés
  • Le caractère délibéré et systématique de la démarche
  • La position d’autorité académique du plagiaire
  • La récidive après avertissement
  • La négation persistante des faits malgré les preuves

L’arrêt du Conseil d’État du 25 mai 2016 (n°386623) a confirmé qu’un plagiat portant sur des parties substantielles de travaux scientifiques, commis par un enseignant-chercheur censé incarner les valeurs d’intégrité scientifique, constituait une faute disciplinaire particulièrement grave justifiant une sanction sévère.

Dans le contexte universitaire, le plagiat aggravé revêt une dimension particulière car il porte atteinte à la crédibilité de l’institution et à la confiance que la société place dans la recherche scientifique. Un maître de conférences qui commet un tel acte trahit non seulement ses pairs mais compromet la mission même de l’université.

La qualification de plagiat aggravé peut s’appliquer à différentes productions académiques : articles scientifiques, ouvrages, thèses dirigées, supports de cours, projets de recherche soumis à financement. Dans tous ces cas, l’élément intentionnel est déterminant dans l’appréciation de la gravité de la faute.

Les outils numériques de détection ont considérablement modifié l’approche du plagiat. Des logiciels comme Compilatio ou Turnitin permettent désormais d’établir avec précision le taux de similitude entre différents textes. Ces rapports de similitude constituent des éléments probatoires déterminants dans les procédures disciplinaires.

Le plagiat aggravé peut parfois s’accompagner d’autres manquements à l’éthique scientifique, comme la fabrication de données ou la falsification de résultats, ce qui en accentue encore la gravité. La jurisprudence disciplinaire tend à considérer ces comportements comme particulièrement répréhensibles lorsqu’ils émanent d’un maître de conférences dont la mission est précisément de former les étudiants à la rigueur scientifique.

Distinction entre plagiat simple et plagiat aggravé

La frontière entre le plagiat simple et le plagiat aggravé n’est pas toujours aisée à tracer. Elle dépend largement de l’appréciation souveraine des instances disciplinaires qui examinent chaque cas d’espèce à la lumière des circonstances particulières.

Le plagiat simple peut parfois résulter d’une négligence dans la citation des sources ou d’une méconnaissance des règles académiques, particulièrement chez les jeunes chercheurs. À l’inverse, le plagiat aggravé implique généralement une intention frauduleuse caractérisée et une volonté délibérée de s’approprier le travail d’autrui.

La décision du CNESER du 18 février 2015 a confirmé qu’un enseignant-chercheur expérimenté ne peut se retrancher derrière l’ignorance des règles de citation pour justifier un plagiat massif. Cette décision souligne que les maîtres de conférences sont tenus à une obligation renforcée de vigilance et d’exemplarité en matière d’intégrité scientifique.

Contestation de la révocation et voies de recours

La révocation d’un maître de conférences pour plagiat aggravé constitue une décision administrative grave qui peut faire l’objet de différentes voies de recours. Ces procédures contentieuses s’inscrivent dans un cadre juridique précis qui garantit au fonctionnaire sanctionné la possibilité de contester la légalité et le bien-fondé de la sanction prononcée à son encontre.

Le premier niveau de contestation s’exerce devant le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) siégeant en formation disciplinaire. L’appel doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la section disciplinaire. Cet appel a un effet suspensif, ce qui signifie que la sanction n’est pas exécutée tant que le CNESER n’a pas statué.

La procédure devant le CNESER reprend les principes du contradictoire et des droits de la défense. L’enseignant-chercheur peut produire de nouveaux éléments, notamment des témoignages ou des analyses d’experts remettant en cause la qualification de plagiat ou son caractère aggravé. Le CNESER peut confirmer, annuler ou réformer la décision de première instance.

Les décisions du CNESER peuvent à leur tour être contestées devant le Conseil d’État, juge de cassation en matière disciplinaire universitaire. Le pourvoi doit être formé dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision du CNESER. Contrairement à l’appel, ce pourvoi n’a pas d’effet suspensif, sauf si le juge des référés du Conseil d’État ordonne la suspension de l’exécution de la décision attaquée.

Devant le Conseil d’État, le contrôle porte essentiellement sur la légalité externe (respect des règles de compétence, de forme et de procédure) et sur la légalité interne (exactitude matérielle des faits, qualification juridique des faits, erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la sanction). L’arrêt du Conseil d’État du 27 février 2019 (n°410644) a notamment précisé l’étendue du contrôle exercé sur les décisions disciplinaires en matière de plagiat universitaire.

En parallèle des voies de recours contentieuses, l’enseignant-chercheur révoqué peut former un recours gracieux auprès du Ministre chargé de l’enseignement supérieur. Ce recours, qui n’est pas suspensif, vise à obtenir une révision de la sanction par l’autorité qui l’a prononcée ou confirmée. Il peut s’appuyer sur des éléments nouveaux ou sur des circonstances atténuantes non prises en compte lors de la procédure disciplinaire.

Dans certains cas exceptionnels, une procédure de révision peut être engagée si des faits nouveaux ou des pièces inconnues lors de la procédure disciplinaire sont de nature à établir l’innocence du maître de conférences sanctionné. Cette procédure, prévue par l’article R.712-46 du Code de l’éducation, constitue une voie de recours extraordinaire qui peut conduire à la réhabilitation de l’enseignant-chercheur injustement sanctionné.

Moyens de défense et stratégies contentieuses

Les moyens de défense développés par les maîtres de conférences sanctionnés pour plagiat aggravé s’articulent généralement autour de plusieurs axes :

  • Contestation de la matérialité des faits (absence de similitude significative)
  • Remise en cause de la qualification de plagiat (citation insuffisante mais non intentionnelle)
  • Contestation du caractère aggravé (absence d’intention frauduleuse)
  • Disproportion de la sanction par rapport à la faute commise
  • Vices de procédure (non-respect du contradictoire, composition irrégulière de l’instance disciplinaire)

La jurisprudence administrative montre que le succès de ces recours dépend largement de la solidité des preuves apportées et de la rigueur de l’argumentation juridique développée. Les décisions d’annulation de révocation pour plagiat aggravé demeurent rares, ce qui témoigne de la sévérité avec laquelle les juridictions administratives apprécient ce type de manquement à l’éthique scientifique.

Implications professionnelles et réputation académique après une révocation

La révocation d’un maître de conférences pour plagiat aggravé entraîne des conséquences dévastatrices sur son parcours professionnel et sa réputation académique. Cette sanction, la plus sévère du régime disciplinaire universitaire, marque une rupture définitive avec l’institution et compromet durablement les perspectives de réintégration dans le milieu académique.

Sur le plan statutaire, la révocation entraîne la radiation des cadres de la fonction publique sans conservation des droits à pension. Contrairement à d’autres sanctions comme la mise à la retraite d’office, elle prive l’enseignant-chercheur de ses droits à pension civile pour les années effectuées en tant que fonctionnaire. Cette conséquence financière majeure s’ajoute à la perte immédiate de revenus et de statut social.

La réputation académique, capital symbolique patiemment construit tout au long d’une carrière, subit un préjudice irrémédiable. Dans un univers où la crédibilité scientifique constitue la valeur cardinale, être reconnu coupable de plagiat aggravé équivaut à une forme de mort professionnelle. Les travaux antérieurs du chercheur, même ceux exempts de tout soupçon, se trouvent rétrospectivement entachés par cette faute éthique majeure.

Au-delà du cercle académique français, les effets d’une révocation pour plagiat s’étendent à l’échelle internationale. À l’ère numérique, l’information circule rapidement au sein des réseaux scientifiques mondiaux. Les bases de données bibliométriques comme Web of Science ou Scopus peuvent signaler les articles rétractés pour plagiat, créant ainsi une trace indélébile accessible à l’ensemble de la communauté scientifique mondiale.

Les revues scientifiques procèdent généralement à la rétractation des articles entachés de plagiat, conformément aux recommandations du Committee on Publication Ethics (COPE). Cette rétractation s’accompagne d’une notification publique qui explicite les raisons du retrait, contribuant à la publicité de la faute. Des sites spécialisés comme Retraction Watch répertorient ces cas, amplifiant encore la diffusion de l’information.

Les perspectives de reconversion professionnelle s’avèrent extrêmement limitées dans le secteur académique. Les établissements d’enseignement supérieur privés, informés de l’antécédent disciplinaire, se montrent généralement réticents à recruter un enseignant-chercheur révoqué pour plagiat. Cette réticence s’étend aux organismes de recherche et aux universités étrangères, particulièrement vigilants en matière d’intégrité scientifique.

La réhabilitation professionnelle, bien que théoriquement possible, demeure exceptionnelle. Le Code de l’éducation prévoit une procédure de révision des sanctions disciplinaires en cas de faits nouveaux, mais cette voie reste très rarement couronnée de succès dans les cas de plagiat aggravé dûment établi.

Tentatives de reconstruction d’une carrière après une révocation

Face à cette situation, certains enseignants-chercheurs révoqués tentent de reconstruire leur carrière selon différentes stratégies :

  • Réorientation vers le secteur privé, notamment dans des fonctions de conseil ou d’expertise
  • Expatriation vers des pays où l’information sur la révocation est moins susceptible d’être connue
  • Publication sous pseudonyme ou dans des revues à comité de lecture moins exigeant
  • Reconversion dans des domaines connexes comme l’édition scientifique ou la médiation des sciences

Ces tentatives se heurtent toutefois à d’importantes difficultés. La communauté scientifique, fondée sur des réseaux d’interconnaissance dense, fonctionne comme un milieu relativement fermé où l’information circule efficacement. La réputation entachée par un cas avéré de plagiat aggravé constitue un stigmate difficile à effacer, même après plusieurs années.

Vers une prévention renforcée du plagiat dans l’enseignement supérieur

Les cas de révocation pour plagiat aggravé, bien que relativement rares, révèlent les failles des dispositifs de prévention et de détection au sein des institutions universitaires. Face à ce constat, une approche préventive renforcée s’impose pour préserver l’intégrité de la production scientifique et la confiance dans l’institution académique.

La formation à l’éthique scientifique constitue le premier levier d’action. De nombreuses universités ont mis en place des modules obligatoires sur l’intégrité scientifique dans les écoles doctorales, mais ces dispositifs gagneraient à être systématisés et étendus à tous les niveaux d’études. L’Université de Strasbourg a ainsi développé un parcours complet de sensibilisation qui pourrait servir de modèle à l’échelle nationale.

La détection précoce des pratiques de plagiat s’appuie désormais sur des outils numériques performants. L’adoption généralisée de logiciels anti-plagiat comme Compilatio permet un contrôle systématique des productions universitaires. Plusieurs établissements ont mis en place des procédures de vérification automatique pour tous les travaux d’étudiants et les publications des enseignants-chercheurs avant soumission aux revues.

Au niveau institutionnel, la désignation d’un référent intégrité scientifique dans chaque établissement, conformément aux recommandations de l’Office Français de l’Intégrité Scientifique (OFIS), marque une avancée significative. Ce référent joue un rôle clé dans la sensibilisation, la formation et le traitement des signalements de manquements potentiels.

La transparence des procédures constitue un autre axe majeur de prévention. La publication anonymisée des décisions disciplinaires relatives au plagiat contribue à la prise de conscience collective de la gravité de ces manquements et de leurs conséquences. Cette pratique, déjà en vigueur pour les décisions du CNESER, pourrait être étendue aux sections disciplinaires des établissements.

L’harmonisation des chartes de déontologie et leur intégration effective dans les pratiques quotidiennes des laboratoires et des équipes pédagogiques représentent un enjeu majeur. Ces documents ne doivent pas rester lettre morte mais irriguer véritablement la culture professionnelle des enseignants-chercheurs.

La valorisation des bonnes pratiques en matière de citation et de référencement bibliographique mérite d’être renforcée. Des guides méthodologiques précis, adaptés aux spécificités disciplinaires, peuvent accompagner utilement les chercheurs dans leurs travaux. L’Université de Genève a développé en ce sens un référentiel particulièrement complet qui inspire de nombreux établissements français.

La dimension internationale de la lutte contre le plagiat ne doit pas être négligée. La participation active des institutions françaises aux réseaux internationaux d’intégrité scientifique comme l’European Network for Academic Integrity (ENAI) favorise l’échange de bonnes pratiques et l’harmonisation des standards éthiques à l’échelle européenne et mondiale.

Vers une culture de l’intégrité scientifique

Au-delà des dispositifs techniques et réglementaires, c’est une véritable culture de l’intégrité scientifique qu’il convient de développer. Cette approche holistique implique de repenser certains mécanismes d’évaluation et de promotion qui peuvent parfois induire une pression à la publication susceptible de favoriser les comportements déviants.

La Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA), signée par de nombreuses institutions françaises, prône une approche qualitative plutôt que purement quantitative de l’évaluation scientifique. Cette évolution pourrait contribuer à réduire la tentation du plagiat motivée par la course à la productivité bibliométrique.

L’adoption de pratiques de science ouverte, encourageant le partage des données et la transparence des méthodes, constitue un puissant levier de prévention du plagiat. En rendant visibles les étapes intermédiaires de la recherche et pas seulement ses résultats finaux, ces pratiques facilitent la traçabilité du travail scientifique et complexifient les tentatives d’appropriation frauduleuse.

  • Développement de formations continues sur l’intégrité scientifique
  • Mise en place de procédures claires de signalement des soupçons de plagiat
  • Protection effective des lanceurs d’alerte dans le milieu académique
  • Valorisation des initiatives pédagogiques innovantes sur l’éthique de la recherche

Ces différentes approches, combinées à une politique disciplinaire ferme mais équitable, dessinent les contours d’un écosystème académique où le plagiat aggravé deviendrait une pratique de plus en plus marginale, préservant ainsi la qualité et la crédibilité de la production scientifique française.